NAISSANCE ET ORIGINE DU DIEU LUGH…
NAISSANCE ET ORIGINE DU DIEU LUGH…
Avant de nous plonger dans la magie du mythe qui conte la naissance du Dieu Lugh, voyons un peu les grands traits qui le caractérisent. Lugh est un Dieu panceltique, c'est-à-dire qu’on le retrouve parmi tous les peuples celtes, que ce soit chez les Celtes insulaires (Grande-Bretagne et Irlande) ou continentaux (Celtibères, Gaulois,…). Il est un peu l’exception qui confirme la règle, car dans la grande mosaïque des traditions celtes, les différences entre peuples sont plutôt importantes. Les fonctions des Dieux entre panthéons celtes semblent se correspondre, mais les Dieux eux-mêmes se différencient nettement. Aucune trace par exemple d’Esus chez les Celtes insulaires ou du Dagda chez les Celtes continentaux. Il est donc important de relever le fait que le Dieu Lugh est commun à toutes les cultures celtes. Il est l’un des grands Dieux souverains du panthéon irlandais, il est celui qui donna son nom à la capitale des Gaules (Lugdunum – Lyon), celui dont le nom fut gravé sur de nombreuses stèles celtibères (Espagne, Portugal), et il donna également son nom aux villes de Lugo (Espagne), Laon et Loudon (France), Leiden (Pays-Bas), Liegnitz (Pologne), Lucca (Italie). Le Dieu Lugh est aussi celui qui inspire la grande fête panceltique de Lugnasad. En Asturie (Espagne) le Dieu était particulièrement vénéré par le peuple celte des Lugones, tout comme en Écosse par les Lougi. Lugh est un Dieu de lumière, un Dieu céleste. Il est un Dieu souverain et plurifonctionnel car il domine tous les arts, entre autres celui de la guerre, de l’artisanat, et surtout celui de la magie. Il possède plus d’un trait commun avec le Dieu indo-aryen Varuna ainsi qu’avec le Dieu germano-nordique Wodan / Óðin et tout comme eux, il domine l’aspect magico-religieux de la fonction souveraine dans le cadre de la tri-fonctionnalité indo-européenne.
Nous allons nous attarder maintenant sur les origines du Dieu Lugh, et voir ensuite le très beau mythe irlandais qui entoure sa naissance. D’après les anciens écrits d’Irlande, Lugh est le fils d’Ethlinn, la fille de Balor, et de Cian, le fils de Dian Cécht. Cette généalogie est importante car elle établit clairement les origines ethno-culturelles du Dieu. La princesse Ethlinn appartient au peuple des Fomoires, et Cian à celui des Tuatha-De-Danann. Les Fomoires sont des Géants aux traits difformes, ils sont en Irlande issus de la toute première vague de conquérants. Ils sont comparables aux Géants du chaos de la tradition germano-nordique, ou aux Titans de la tradition grecque. Ils représentent l’aspect chaotique des forces primitives, et leur origine est très certainement à chercher dans les cultes de la lointaine préhistoire (mésolithique et néolithique). Les Tuatha-De-Danann quant à eux sont une famille de Dieux venus depuis les îles du Nord du monde, ils sont le peuple de la Déesse Danu. Ils présentent toutes les caractéristiques de Dieux célestes et lumineux que l’on pourrait ranger sous le terme de «solaire», des caractéristiques typiques des peuples d’origine indo-européenne. Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à voir dans la conquête des Tuatha-De-Danann, celle des Indo-Européens eux-mêmes. Tout ceci nous permet d’avancer que le Dieu Lugh est issu d’un mélange typiquement européen, entre une descendante de la lointaine préhistoire et un Indo-Européen. Mais malgré ce mélange, les mythes démontreront que le Dieu Lugh sera avant tout un Tuatha-De-Danann, et son règne se fera selon les principes de l’éthique indo-européenne.
Le mythe de la naissance de Lugh remonte au plus profond de la tradition celtique irlandaise. Il nous invite à un voyage vers une petite île du nom de Tory, tout au Nord de l’Irlande. Son nom celte est Toraigh. Et lorsqu’on parle de petite île, ce n’est pas peu dire, car elle mesure tout juste 5 km de long pour 1 km de large. Point d’arbre n’y pousse car l’île est battue en permanence par des vents très violents. Les fortes pluies très fréquentes font de cette île un endroit rude et inhospitalier. Les anciens récits païens nous enseignent que l’île de Toraigh fut à l’origine une place forte du mythique peuple des Fomoires, bien avant leur défaite contre le peuple-cerf des Némédiens. C’est là que se trouvait la tour légendaire de Tory qui fut construite sur ordre du roi fomoire Balor. Ce Géant portait en langue celtique le nom exact de Balor na Súile Nimhe, nom qui se traduit par Balor-du-mauvais-œil, et qu’il doit à son œil immense capable de terrasser une armée entière, de foudroyer quiconque le regarde en face. Voici donc ce que nous content les anciens récits à propos de la naissance de Lugh…
Il était une fois une princesse aussi belle que l’aube majestueuse au-dessus des flots de l’océan. Elle s’appelle Ethlinn. Elle paraît souvent triste et nostalgique. Depuis une fenêtre de la grande tour de l’île, elle regarde au loin, au-delà de ce long bras de mer qui la sépare des rivages qu’elle n’a jamais pu approcher. Elle distingue les collines d’Irlande, douces images d’une terre inconnue qu’elle n’a jamais pu fouler. Depuis que son père, Balor-du-mauvais-œil, fit enfermer la belle princesse dans cette tour, le monde extérieur lui semble étrange et irréel. Elle n’est jamais sortie de l’île. Bien que prisonnière dans la tour, elle est entourée de mille soins et de toutes les attentions nécessaires pour une vie pleine de douceur et de gentillesse, deux termes qui justement qualifient très bien le caractère de la princesse Ethlinn. Ses dames de compagnie lui disent souvent que c’est très étrange qu’elle soit aussi belle alors qu’elle est la fille de l’horrible sorcière Ceithlinn et de l’hideux Balor, roi des Fomoires. On ne peut en effet pas dire des Fomoires que la beauté soit leur point fort, le terme de monstre serait bien plus approprié.
Lors de la naissance d’Ethlinn, il fut conté à Balor qu’un jour il serait tué par son petit-fils. Tel serait son destin. Balor décida alors de contrecarrer ce mauvais coup du destin et de changer le futur qui lui était tracé. Il enferma depuis sa naissance la belle princesse Ethlinn dans une tour de l’île isolé de Toraigh. Balor son père, élimina de son entourage toute présence masculine. Toute sa compagnie était donc féminine.
Balor rendait de temps en temps visite à sa fille, mais cette dernière ne s’en réjouissait guère car elle n’arrivait pas à surmonter la crainte produite par la vue repoussante de son père. Il approche toujours sa fille en baissant sa grande paupière, car un seul regard de son œil suffirait pour l’anéantir et la réduire en cendres. Avec le temps qui passe, Ethlinn passa à l’âge adulte, ce qui conféra à sa beauté une touche enchanteresse que Balor ne manqua pas de relever. Il devait redoubler de vigilance afin qu’aucun homme ne puisse s’approcher de sa fille, et éviter ainsi que d’un possible amour naisse un petit-fils qui serait appelé à le tuer un jour. Sur la côte, il menace ses gardes de peine de mort s’ils laissaient passer un homme vers l’île.
La tristesse du quotidien se vit un jour rompue par la venue de deux nobles dames. L’une d’elles était d’âge mûr mais à l’œil très vif. L’autre était jeune avec des muscles saillants. Elles expliquèrent aux dames de compagnie de la princesse Ethlinn comment leur navire fit naufrage, et qu’elles avaient besoin de trouver un refuge pour se protéger de la tempête qui faisait sans cesse rage. Pendant qu’on les accompagna auprès de la princesse, on leur expliqua qu’il était très important de ne jamais prononcer le mot «homme» en présence d’Ethlinn, car dans son innocence la princesse croit qu’il n’existe que des femmes.
Arrivées en présence d’Ethlinn, la vieille dame sortit de son manteau une baguette de bois argentée qu’elle agita de manière solennelle. C’est alors qu’un silence absolu se fit maître des lieux, on n’entendit plus un bruit, ni le vent soufflant en tempête, ni le croassement des corbeaux, ni le chant des cygnes, ni non plus le cri des mouettes. Toutes les dames au service de la princesse tombèrent dans un profond sommeil étrange. Seule Ethlinn et les deux nobles étrangères ne furent pas affectées par le charme. À la grande surprise d’Ethlinn, la jeune étrangère aux muscles saillants s’enleva ses vêtements de femme tout en lui déclarant qu’elle était ravissante. Ethlinn découvrit une créature inconnue, une personne qui n’était pas femme. Assis, tous deux parlèrent longuement et c’était bien plaisant. Elle semblait tomber sous le charme de cette créature qui s’appelle «homme». La vieille dame était partie se promener sur l’île afin de les laisser dans leur intimité, ceci après leurs avoir expliqué que le charme prendrait fin avec les premières lueurs de l’aube sur l’océan.
Un nouveau monde s’ouvrait à la princesse, un monde où femmes et hommes pouvaient s’unir par amour. Ethlinn ressentit une grande attirance pour le jeune homme, et ils s’aimèrent toute la nuit enlacés l’un dans l’autre. Un bonheur immense envahit le jeune couple amoureux. L’homme expliqua à la princesse qu’il s’appelait Cian et qu’il était fils de Dian Cécht de la famille divine des Tuatha-De-Danann. Grâce à la magie de Biróg, la vieille dame, il avait pu venir sur l’île en volant au-dessus des eaux. Il était venu chercher une vache que Balor, le père de la princesse, lui avait volée.
«Et as-tu trouvé la vache ?» lui demanda Ethlinn.
«Oublie la vache !» lui répondit Cian. «Depuis que je t’ai vu, la vache ne m’intéresse plus. Viendras-tu avec moi, loin d’ici ?»
«Je crains le pire. Car avec son œil létal, mon père peut foudroyer qui il veut».
À ce moment, Biróg, la vieille dame, revint vers eux et leur rappela qu’il fallait s’en aller car le soleil était sur le point de se lever sur l’horizon, et le charme serait alors rompu. Cian insista auprès de la magicienne pour que la princesse puisse également venir. Mais Biróg refusa car sa magie ne lui permettait pas de porter deux personnes à la fois à travers les airs. Ethlinn poussa alors gentiment son amant Cian en lui disant : «Va avec elle, ne t’en fais pas. Car si tu restes, mon père te tuera. Et ça, je ne le veux pour rien au monde. Même si je dois attendre toute une vie, le souvenir du grand amour qui nous unit m’accompagnera toujours ». C’est ainsi que Cian et Biróg s’en allèrent vers la terre d’Irlande.
Ils partirent juste à temps, car les gens de la princesse commencèrent à se réveiller au même moment où Balor-du-mauvais-œil revint sur l’île. Le bruit du tonnerre si fit entendre lorsque Balor dit à sa fille :
«Ça sent l’homme ici !»
«Qu’est-ce-qu’un homme ?» dit alors la princesse.
Heureusement que l’œil de son père resta comme toujours fermé, car sinon il aurait vu le visage rougi d’Ethlinn et l’intense lueur qui brillait dans ses yeux. Et, neuf mois plus tard, la princesse donna naissance à trois jolis bébés. Mais le bonheur ne fut que de courte durée car Balor prit les trois bébés, et malgré les hurlements de sa fille, il s’approcha des hautes falaises de l’île et jeta à la mer les nouveau-nés. L’œil fermé de Balor ne put pas voir qu’un des bébés ne sombra pas aussitôt, et qu’il put être sauvé des eaux. Ethlinn fit apporter l’enfant sain et sauf à sa belle-mère, en disant :
«Son nom est Lugh. Il est le Brillant, l’enfant chanceux. Prends bien soin de lui. Moi je resterai sur l’île et j’attendrai patiemment. Car du sang obscur de mon père est venu grâce à mon fils une nouvelle lueur d’espoir. Balor continuera à attaquer les navires, à tuer les marins, et à demander aux peuples d’Irlande le tribut de chaque troisième enfant. Mais je sais que chaque marée qui passe, me rapprochera un peu plus du jour où mon fils, Lugh-le-Brillant, tuera le tyran qu’est mon père. Alors viendra une nouvelle aube, et une nouvelle ère pleine de promesses s’ouvrira pour les Dieux et nos peuples ».
Mais ceci est une autre histoire…
Sources :
« Legendary Ireland », Eithne Massey
" Complete Irish Mythology ", Lady Gregory
« Lexikon der keltischen Mythologie », Sylvia und Paul F. Botheroyd
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